• Explicat'IFS du crash aérien de 1935

     Explicat'IFS du crash aérien de 1935En 1934, René Bénard, greffier et chef du tribunal de commerce de Caen, entreprend de construire chez lui à Caen, un « Pou du Ciel » d'Henri Mignet. Le premier vol à lieu le lundi 11 novembre 1935 sur l'aérodrome de Caen-Cormelles-le-Royal, aujourd'hui disparu. Le 26 novembre 1935 il décolle à nouveau de cet aérodrome à 11 heures et s'écrase quelques centaines de mètres plus loin sur la commune d'Ifs. René Bénard est tué. Sa famille érige une croix-monument à sa mémoire sur le lieu du crash.

         Un site recensant les crashs aériens le cite : http://www.aerosteles.net/fiche.php?code=ifs-benard

    Explicat'IFS du crash aérien de 1935 Explicat'IFS du crash aérien de 1935

    Un pou du ciel en 1935 (wikipédia) et le site du crash où a été érigée une croix-monument (photo Giloudifs)

    ...et un précédent article de ce blog relate ainsi cet accident :

    http://il-etait-ifois.eklablog.com/invent-ifs-mais-p-ifs-le-crash-de-1935-a1760314

    Le Journal des débats politiques et littéraires du 28 novembre 1935 n°330 page 4 résume ainsi les faits :

    « Un nouvel accident mortel avec un « Pou du Ciel »

    M. René Bénard, âgé de cinquante ans, greffier en chef du tribunal de commerce de Caen, venait de quitter le terrain de Corrmelles, hier à midi, à bord d'un « Pou du Ciel » qu'il avait construit lui-même, et qu'il pilotait depuis trois mois. Il se trouvait à deux kilomètres de son point de départ et volait à une hauteur de quatre-vingts mètres environ, lorsque, soudain, l'appareil piqua du nez et, dans une chute presque verticale, tomba lourdement sur le sol, où il se retourna complètement, les roues en l'air. Des journaliers, qui travaillaient dans un champ voisin, accoururent et dégagèrent le pilote des débris de l'avion. M. Bénard avait été tué sur le coup. » http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k508242z/f4.image.r=B%C3%A9nard

    Explicat'IFS du crash aérien de 1935Explicat'IFS du crash aérien de 1935

    Dans Les Ailes, journal hebdomadaire de la locomotion aérienne du 5 décembre 1935, pages 11-12, des informations complémentaires sont apportées (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65539106/f12.zoom.r=) :

    « Faute de pilotage ou faute du sandow ?

    Le troisième accident mortel qui endeuille le mouvement « Pou-du-Ciel » paraît avoir, avec les deux précédents, une origine commune.

    Le mouvement « Pou-du-Ciel » a eu la douleur, la semaine dernière, d'enregistrer son troisième accident mortel.

    René Bénard, greffier au Tribunal de Commerce de Caen, s'est tué le 26 novembre sur le « Pou » qu'il avait construit, que nous avions homologué sous le N°81, et qu'il avait équipé d'un moteur Poinsard 25 CV.

    D'après la presse quotidienne (Le Petit Parisien), l'appareil décolla du terrain de l'Aéro-Club de Caen et du Calvados et s'en alla évoluer au-dessus de la plaine d'Ifs.

    D'après un cultivateur qui fut le témoin de la chute, le moteur aurait eu des ratés, puis l'appareil piqua d'une cinquantaine de mètres, fit une ressource, et piqua de nouveau jusqu'au sol où il s'écrasa. Le malheureux pilote fut tué sur le coup.

    Nous saluons sa mémoire avec beaucoup d'émotion et de respect. Il y a quelques semaines encore, René Bénard nous disait sa foi dans la formule « Pou-du-Ciel » ; le jour même de sa mort, quelques instants sans doute avant de s'envoler, il nous écrivait une lettre que nous avons reçue le lendemain de l'accident. Bien qu'ayant dépassé l'âge de cinquante ans, il avait entrepris la construction de son « Pou » et avait tenu lui-même à le piloter.

    Quelles sont les causes de l'accident?

    Le Président de l'Aéro-Club de Caen et du Calvados a bien voulu nous faire connaître son opinion. La voici : L'accident a eu lieu vers 11 h.30, par très beau temps, calme, sans vent. Le point de chute de l'appareil se trouve dans une plaine, et à une cinquantaine de mètres d'un repli de terrain, mais dont la minime importance ne nous permet pas de croire qu'il a pu se trouver dans un remous ayant pu amener un déséquilibre de l'appareil, surtout étant données les circonstances atmosphériques.

    L'opinion de tous nos camarades est que l'accident est surtout imputable à l'ignorance de pilotage du malheureux pilote, M. Bénard n'avait aucune expérience du vol, et avait juste exécuté quelques bonds sur le terrain avec son appareil. Il avait effectué quelques sorties, dont la plus importante a duré huit minutes, sorties au cours desquelles nous avons pu constater que la ligne de vol était absolument inconstante et que les mouvements de correction du pilote étaient toujours très saccadés.

    M. Bénard tenait absolument à apprendre à voler sur son appareil, et ne voulait pas faire de double commande sur un appareil à ailerons.

    En ce qui concerne l'appareil lui-même, notre chef-pilote Dupont avait procédé à ses essais et a effectué de nombreux vols de présentation, totalisant plus de quatre heures de vol. Nous devons constater que, entre les mains de notre chef-pilote, l'appareil s'est toujours comporté comme un avion ordinaire.

    M. Dupont a effectué des descentes, moteur à l'extrême ralenti. Ayant même eu une panne de moteur (magnéto), il s'est posé normalement, moteur arrêté.

    L'appareil a toujours paru normal. M. Dupont a constaté simplement que les qualités de plané de celui-ci étaient bien inférieures à celles d'un avion ordinaire. Il a pu également constater que, moteur arrêté, l'appareil, lorsqu'il n'avait pas un angle de descente suffisant, subissait des flottements d'ailes qui, à son sens, annonçaient la perte de vitesse.

    En résumé, nous croyons que, de par sa construction et de par l'expérience de notre chef-pilote, le « Pou-du-Ciel » de M. Bénard était normal et conforme à tous ceux qui ont volé jusqu'à aujourd'hui, que, entre des mains expérimentées, il pouvait donner satisfaction, et que l'accident est dû seulement au manque de sens de l'air de M. Bénard.

    Nous vous donnons ces précisions dans lé but de tirer de ce malheureux accident la leçon qui doit s'en dégager. Notre conviction est que celui-ci aurait pu être évité si M. Bénard avait bien voulu faire un peu de double commande, comme nous le lui avions maintes fois conseillé, afin d'acquérir, d'abord la notion de la ligne de vol, ensuite l'expérience nécessaire à effectuer un bon atterrissage.

    D'autre part, le chef-pilote Dupont a adressé au Réseau des Amateurs de l'Air un long rapport dont nous extrayons quelques passages essentiels.

    M Dupont, après avoir confirmé et regretté la décision de M. Bénard de ne pas se soumettre à quelques vols en double commande, poursuit ainsi :

    « Il y a quelques, jours, M.Bénard ayant voulu faire l'essai sur son appareil de commandes rigides, avait changé la longueur des commandes souples (1). Lorsqu'il a voulu voler à nouveau, avec celles-ci, ayant constaté en roulant au sol que l'appareil ne fonctionnait pas comme il faut, il m'a prié de faire un essai. J'ai remarqué que le moteur n'avait pas son régime, chose à laquelle nous avons remédié immédiatement et aussi que l'aile avant n'avait pas suffisamment d'incidence négative (6 cm de différence indiqués par Mignet dans son Bouquin). L'appareil, en réduisant le moteur, se cabrait. J'ai pu néanmoins, en le soutenant jusqu'au sol au moteur, le poser. M Bénard a remédié par la suite à cet état de choses.

    Deux cas sont à envisager :

    1. L'incidence négative de l'aile avant n'aurait pas été suffisamment grande, autrement dit la différence de 6 cm entre les deux ailes n'aurait pas été exactement respectée. Mais si ce que dit Mignet est vrai, l'appareil n'aurait pas dû se mettre en perte de vitesse, et aurait dû descendre à plat, normalement, chose qui n'est pas.

    2. M. Bénard ayant eu une panne de moteur. Imbu toujours de la théorie de Mignet et des descentes parachutales, a voulu mettre manche au ventre, et l'effet fente n'ayant pas fonctionné, l'appareil a fait une perte de vitesse. Je tiens encore une fois à vous préciser que l'appareil était parfaitement, réglé.

    Je reste entièrement partisan du mouvement « Pou-du-Ciel » mais prétends que cet appareil doit se piloter comme un autre avion, et par des gens expérimentés. Essayant de faire une descente parachutale, j'ai constaté, à un certain moment, un flottement de l'aile avant, auquel j'ai remédié en prenant l'aile par son bord de fuite. D'où nécessité d'avoir des commandes rigides, les commandes souples, dans une certaine position de cabré, ne devant plus agir, et le sandow devant être insuffisant à combattre la poussée de l'air qui ,se produit sur l'aile.

    On nous permettra d'exprimer une opinion.

    L' Aéro-Club de Caen et du Calvados attribue l'accident à l'inexpérience du pilote. C'est aussi, semble-t-il, la conclusion des trois ingénieurs que le Ministère de l'Air envoya à Caen enquêter sur l'accident. Pour nous, cette explication ne suffit pas.

    L'expérience de plusieurs « Pou » parfaitement réglés - et qui le sont restés - montre que si l'appareil n'échappe naturellement pas à la perte de vitesse, celle-ci, avec le Pou ne s'accompagnant ni d'une glissade, ni d'une vrille, ne doit pas avoir de conséquence catastrophiques. Le « Pou » parfaitement réglé doit tomber à plat. S'il pique, s'il s'engage, c'est que quelque chose a altéré la perfection du réglage.

    L'inexpérience, la témérité, l'excès de confiance des néophytes leur coûtent très cher ; c'est une cause de casse fréquente.

    Nous sommes bien d'accord qu'il convient d'apprendre prudemment à conduire le « Pou », à acquérir, avant de s'envoler, l'habitude de l'air au moyen de quelques leçons en double commande. Depuis plus d'un an, nous insistons sur la nécessité d'adopter, dans ce sens, une méthode prudente.

    Mais, enfin, jusqu'à preuve du contraire, nous persistons à penser que l'accident de René Bénard a une origine commune avec les accidents de Marignan et de Chapelet. La lettre de M. Dupont vient étayer cette opinion. Bien que, pour celui-ci, le réglage de l'appareil fut parfait, il n'est pas certain que les cotes essentielles aient été observées et surtout que la puissance du sandow de rappel ait été suffisante pour combattre la poussée de l'air sur l'aile vivante et conserver le contrôle de celle-ci.

    Jusqu'à preuve du contraire, c'est au sandow et à la suppression de l'effet de fente que nous attribuons l'accident de Caen.

    Le remède? Observer strictement les conseils que Les Ailes ont publiés dans leur N° 753, sur les indications de Mignet, en particulier en ce qui concerne le fonctionnement du sandow et le jeu du manche dans le réglage de la commande.

    D'autre part, et bien que, faute encore d'une documentation suffisante sur la question, nous nous défendions de conseiller ou de déconseiller la commande rigide, il semble que l'on puisse, tout au moins, en souhaiter l'expérimentation systématique, à condition qu'elle soit solidement réalisée et, comme le conseille Mignet, par mesure de précaution, qu'elle vienne doubler la commande souple. G. H.

    (1) L'accident s'est produit avec la commande souple. La commande rigide avait été exécutée par M. Bénard, mais il ne l'avait pas montée sur l'appareil. »

    Pour en savoir plus sur les « pous du ciel » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pou-du-ciel

    « Evolut'IFS 1980-1989Un aérodrome au sud de Caen ? »

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