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Âges "primit'IFS" 2 : la ZAC d'Ifs fouilles 2000
"Depuis le mois de Janvier 2000, quatorze archéologues de l’Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales mandatés par le Service Régional de I’Archéologie, travaillent sur le projet de la zone d'activité districale localisée au sud du périphérique de l’agglomération caennaise et en bordure de la route de Falaise. Le projet concerne un ensemble complexe de vestiges archéologiques, organisés sur environ 50 hectares et révélés, pour la plupart, lors de survols aériens de la zone depuis le milieu des années 1980. Les résultats obtenus à ce jour viennent confirmer la complexité du gisement archéologique et témoignent de la densité des occupations humaines qui se sont succédées a travers les âges dans ce secteur de la plaine de Caen.
Les vestiges apparaissent immédiatement sous le niveau de labour actuel. Il s'agit exclusivement d'excavations (trous de poteau, fossés, fosses de stockage, carrières d’extraction...), qui ont été suffisamment profondes pour avoir entamé les niveaux géologiques calcaires et dont le remplissage terreux mis en place anciennement les distingue du sol naturel, par simple contraste de couleurs. Détruits par l'action de près de 2000 ans d'activité agricole intensive. les niveaux des sols et de circulation des périodes anciennes n'existent plus aujourd'hui. Ainsi les excavations ne correspondent plus, en réalité, qu'aux fondations des bâtiments de terre et bois sur poteaux plantés, et aux limites spatiales autrefois visibles dans le paysage et qui participaient à sa structuration (enclos d'exploitations agricoles, enclos funéraires, parcellaire agraire).
Le travail archéologique s'organise en plusieurs phases. Les différents secteurs d’étude sont préalablement décapés à l’aide de pelles mécaniques, ou font I’objet de sondages en tranchées. Les vestiges repérés sont ensuite relevés pour établir des plans. La réalisation de coupes dans les diverses excavations intervient comme une troisième étape. Les sections effectuées permettent d'étudier le mode de remplissage (naturel ou volontaire) des fosses ou encore des fosses et nous renseignent sur leur fonction. Il est ensuite parfois possible de pouvoir restituer les éléments de surface auxquels ils s'apparentaient (fossé associe à un ancien talus par exemple). L'objectif de la fouille est ainsi de comprendre les différents aménagements qui se sont succédés sur l'emprise du projet de la ZAC et de les situer chronologiquement les uns par rapport aux autres. Car en effet.. l'image qui nous est donnée par le plan général des vestiges archéologiques ne correspond pas à un seul site ou tous les vestiges seraient contemporains, mais résulte du cumul des multiples impacts au sol des diverses occupations humaines qui se sont ici succédées depuis environ 3000 ans. Ainsi, I’ensemble des données et indices archéologiques est archivé (dessins, photographies) pour être analysé par la suite. Le mobilier archéologique découvert dans les excavations est prélevé. Il s'agit pour l'essentiel d'éléments détritiques (poteries brisées, déchets de boucherie, outillage cassé ...) rejetés dans les dépressions encore visibles à I époque de leur enfouissement. Nettoyés, recollés et parfois dessinés, ils constituent de précieux témoins de la vie quotidienne des populations anciennes.
Les premières traces d'une occupation humaine sur le secteur de la ZAC Object’Ifs Sud remontent à la fin de la période habituellement nommée âge du Bronze (vers 800 avant J.-C.). D'autres fouilles archéologiques menées sur la plaine de Caen ont toutefois révélé que le secteur était déjà fréquenté plusieurs milliers d'années avant l'époque qui correspond aux premiers indices ici découverts.
Relativement dispersés, ces premiers vestiges semblent caractériser une occupation spatiale plutôt lâche de l'habitat, sans limite bien définie. Il est probablement matérialise par un certain nombre de bâtiments isolés où pouvaient vivre de petits groupes humains. Ce type d'habitat va perdurer sur plusieurs siècles sans réelle discontinuité. durant toute la période suivante que l'on nomme le premier âge du Fer (-800 à -500 avant J.-C.). Les populations de I’époque semblent s'apparenter à des agriculteurs et artisans métallurgistes (bronziers). De cette période ne subsistent presque plus que des fosses de stockage de denrées alimentaires profondément creusées dans le sol et que l'on nomme « silos ».
Il semble que c'est a la fin de cette époque qu'apparaissent dans le paysage les premiers enclos quadrangulaires délimités par des fossés, tel celui repéré dans la partie nord de la zone d'étude. Il pourrait être ainsi un des premiers jalons de la structuration du paysage d'un petit terroir qui se développera et s affirmera les siècles suivants, au cours de la période gauloise (Vème-Ier siècle avant J.-C.).
C'est probablement au cours de cette dernière période, que I on appelle également époque celtique, que se développe sur plusieurs hectares un paysage agraire constitué de parcelles liées à l'élevage ou aux cultures. II s’organise autour d’un réseau de chemins orthogonal qui relie plusieurs exploitations agricoles. Les deux fermes gauloises semblent être encore fréquentées après I’époque de la Conquête Romaine (vers 52 avant J-C). Les vestiges mobilier découverts dans le comblement des diverses excavations (fragments de poteries ou de meules à grain, déchets culinaires) nous indiquent que les gaulois d’Ifs consommaient des animaux d’élevage (bœuf, porc) Ils produisaient eux-même leur farine et profitaient de la proximité du littoral pour compléter leur alimentation par des coquillages (moules, couteaux, coquilles St-Jacques, coques). Les denrées alimentaires ne semblent plus être stockées dans des silos comme pour les périodes précédentes On remarque en effet I’apparition de nouvelles structures de stockage. Il s’agit entre autres de caves profondes et de salles souterraines auxquelles on peut accéder par des escaliers taillés dans le sol naturel. Les fermes semblent péricliter au cours de la seconde moitié du Ier siècle avant J.-C., alors que I’on note bientôt I’apparition d’une nouvelle exploitation agricole gallo-romaine (Ier et IIème siècle après J.-C.) qui s’implante au nord de la ZAC. Tout en utilisant vraisemblablement le réseau agraire ancien, celle-ci va développer un nouvel ensemble de parcelles au nord de I’actuel périphérique, dans un secteur ou I’on peut supposer qu'il n était peut-être auparavant pas organisé. Cette dernière ferme semble être abandonnée a son tour a la fin du IIème siècle après J.-C. Aucun indice d'occupation ultérieur à cette époque semblerait indiquer une migration des populations habitant le secteur étudié vers un autre, endroit, en dehors des limites de l'actuel projet de la ZAC. On peut supposer que le secteur ainsi déserté a pu être mis progressivement en culture et être ainsi utilisé jusqu à nos jours, entraînant des restructurations et la disparition des anciennes limites spatiales.
Les fouilles archéologiques vont s’achever a la fin de I’année. Une intervention complémentaire est prévue sur des parcelles voisines vers la fin de I’année 2001. En attendant celles-ci, les archéologues vont poursuivre dans les bureaux leur travail d analyse et d archivage des fructueuses informations qu'ils ont jusqu'ici rassemblées."
Elven LE GOFF, responsable de l’opération archéologique (A.F.A.N.)
Article paru en 2000 dans un bulletin local d’Ifs réalisé par M. R. Dion.
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Vue aérienne de la ferme n° 6 d’Ifs « Object’Ifs Sud » en cours de fouille. Trois des enclos domestiques présentent en leur centre des anomalies correspondant à de larges creusements dont la fonction initiale est mal connue ; il peut s’agir de fosses d’extraction, de mares ou de fosses à fumier (cliché J. Desloges, DRAC/SRA Basse-Normandie ; d’après Carpentier et al., 2007b). http://rao.revues.org/813
Tags : archeologues, vestiges, periode, secteur, fosse
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